Le rideau est tombé sur la troisième conférence internationale sur le financement du développement, qui se tenait à Addis Abeba du 13 au 16 juillet. Alors que les Nations Unies, et nombre de gouvernements parmi lesquels la France, se félicitent de l’accord trouvé, les organisations de la société civile internationale expriment leur déception et leurs inquiétudes pour l’avenir du développement. Les négociations en amont de la rencontre officielle avaient été difficiles, achoppant sur plusieurs sujets tels que la création d’un organisme fiscal international ou l’encadrement de la participation du secteur privé au financement du développement ; la désillusion n’en est pas moins grande…
La Coalition Éducation, en accord avec les recommandations portées par la Campagne Mondiale pour l’Education, appelait à des engagements forts de la communauté internationale pour combler le fossé financier conduisant aujourd’hui encore à laisser 121 millions d’enfants et d’adolescents sur le bord du chemin de l’éducation pour tous. Les avancées enregistrées en Mai dernier au Forum Mondial de l’Education d’Incheon et dont notre réseau s’est réjoui, ainsi que le rappel des enjeux de l’éducation pour le développement durable à Oslo quelques jours seulement avant Addis, accentuent le contraste avec les faibles résultats de la conférence.
Il a été peu question d’éducation à Addis Abeba, comme le reflète le cadre d’action adopté par les Etats. Alors que la Déclaration d’Incheon affirmait l’importance d’une éducation gratuite et financée par des fonds publics, le paragraphe 78 du cadre d’Addis consacré à l’éducation ne fait mention que d’investissements et de coopération internationale. L’ensemble du texte fait en outre la part belle au secteur privé, dont les capacités financières sont mises en avant sans contrepoint suffisant en termes de régulation et de garanties d’accessibilité et d’équité. Là où la déclaration d’Incheon soutenait une vision élargie de l’éducation tout au long de la vie, l’alphabétisation, l’apprentissage et la formation des adultes ne sont pas mis en avant dans le cadre d’Addis. Les qualifications des enseignants y sont mentionnées, mais sans mise en relation avec la nécessité de développer les politiques nationales pour améliorer leur statut, leur motivation, leur formation. Enfin, aucun engagement financier n’est affiché autre que celui de renforcer le Partenariat Mondial pour l’Education, loin de l’appel urgent d’Incheon aux gouvernements à consacrer au moins 4-6 % du PIB et/ou à allouer au moins 15-20 % du total des dépenses publiques à l'éducation.
Comme d’autres pays, la France, représentée en Ethiopie par la secrétaire d’Etat chargée du développement et de la francophonie Madame Annick Girardin, n’a pris aucun engagement financier clair. Le cadre d’action d’Addis brille par l’absence de cibles financières qui permettraient, pour l’éducation comme pour d’autres secteurs, d’envisager de véritablement franchir une marche en faveur du développement durable. «Être solidaire, c'est se fixer des objectifs ambitieux pour l'avenir » a déclaré Madame Girardin durant la conférence. On est en droit de douter du sens que la France entend donner à ces mots lorsqu’on constate que le pays ne consacrait en 2014 que 0,36% de son RNB à l’aide publique au développement, loin des 0,7% mainte fois promis par les pays européens. L’atteinte de cet objectif est sans cesse repoussé, sans d’ailleurs que la France ne s’engage précisément sur un calendrier.
Addis Abeba devait permettre de préparer l’adoption des ODD à New-York en septembre, et les négociations sur le climat de la COP21 à Paris en décembre. A l’issue du sommet, la mobilisation est plus que jamais nécessaire pour que les prochaines étapes de l’Agenda 2015 pour le développement soient couronnées de succès. Ensemble pour le droit à l’éducation attend en particulier de la France qu’elle annonce de nouvelles contributions, en développant son aide bilatérale, et en augmentant sa participation aux fonds multilatéraux tels que le Partenariat Mondial pour l’Education. C’est à cette condition seulement que la marche vers un développement durable et solidaire pourra continuer à aller de l’avant.