La Société financière internationale (SFI) du Groupe de la Banque mondiale annonce qu’ elle ne reprendra pas ses investissements dans les écoles privées payantes de la maternelle à la 12e année. La société civile salue cette décision, qui fait suite à la publication d'un rapport par le Groupe d’évaluation indépendant de la Banque mondiale (GEI, IEG sigles en anglais) sur les investissements de la SFI dans ce domaine. En 2020, la SFI a instauré un arrêt temporaire de tous les investissements directs et indirects dans les écoles privées payantes (à but lucratif) de la maternelle à la 12e année. Après cette annonce, l'arrêt a été prolongé indéfiniment.
Cette décision réaffirme la mobilisation sans relâche des organisations de la société civile qui, depuis des années, surveillent et sensibilisent à l'impact négatif des écoles commerciales et à but lucratif sur la réalisation du droit à une éducation inclusive de qualité. Ceci, en portant une attention particulière aux personnes les plus à risque d’exclusion éducative – y compris les filles, les enfants, les jeunes handicapés, etc.. Cet acte renforce les inquiétudes de la communauté internationale concernant les modes de fonctionnement des entreprises transnationales, qui bénéficient de ces investissements.
L'éducation est un droit humain, elle ne devrait pas être considérée comme un produit marchand ou un moyen de générer des revenus financiers.. Tous les enfants méritent de bénéficier d'une éducation de bonne qualité. Nous nous réjouissons de cette décision et espérons que la Banque mondiale donnera désormais la priorité au financement de l'éducation publique.
Salima Namusobya, Directrice exécutive de l'Initiative pour les droits sociaux et économiques
Nous applaudissons cette action courageuse de la SFI et appelons les autres investisseurs à faire de même. Nous continuons à défendre et à plaider en faveur de la réalisation par les États d'une éducation publique de qualité pour tou.te.s. Nous espérons que cette décision est signe d'un engagement accru de la Banque mondiale auprès des États, y compris le Kenya, pour assurer une éducation inclusive de qualité, en portant une attention particulière aux groupes les plus marginalisés et vulnérables.
Johnstone Shisanya, Directeur du programme de soutien à l'éducation au Centre est-africain des droits de l'homme
Il s’agit d’une avancée importante en faveur du financement du développement. Cette évaluation reconnaît les effets néfastes potentiels des investissements dans les écoles privées à but lucratif, qui risquent d'accroître les inégalités dans l'éducation et d'affecter négativement les systèmes scolaires publics. Nous sommes heureux que le GEI (IEG sigles en anglais) ait pris le temps de réaliser cette évaluation. Nous applaudissons la SFI d’avoir pris les conclusions au sérieux et d'avoir fait preuve de leadership sur cette question parmi les institutions financières du développement.
Katie Malouf Bous, Conseillère politique principale pour Oxfam
Il est maintenant temps pour les autres institutions financières du développement de prendre en compte les conclusions du IEG, de se mobiliser et de suivre l'exemple de la SFI. Nous appelons le Groupe de la Banque mondiale à pivoter vers un soutien renforcé aux gouvernements pour construire des systèmes d'éducation publique plus forts et plus équitables.
Magdalena Sepúlveda, Directrice exécutive, GI-ESCR
L'annonce de la SFI a été publiée sur le site Internet du GEI (IEG, sigles en anglais) de la Banque mondiale le mercredi 8 juin 2022, en même temps que la publication du rapport d'évaluation du GEI sur les investissements directs et indirects de la SFI dans les écoles privées de la maternelle à la 12e année (K-12). Dans sa réponse à l'évaluation, la SFI soulève les difficultés d'investir directement dans la plupart des écoles privées de la maternelle à la 12e année,, notamment des résultats financiers faibles ainsi que le « potentiel [...] d’exacerber les inégalités et d’avoir des retombées involontaires et indésirables dans le système scolaire du secteur public ».
L'annonce arrive moins de trois mois après l’annonce de la SFI de se désengager de Bridge International Academies (BIA), après le dépôt de plusieurs plaintes concernant les opérations de la société au Kenya auprès du mécanisme de responsabilité de la SFI.
Cette décision est conforme aux conclusions du Rapport mondial de suivi sur l’éducation de 2021 de l'UNESCO affirmant que « la recherche du profit est incompatible avec l'engagement de garantir un enseignement préprimaire, primaire et secondaire gratuit. » La mesure prise par la SFI est conforme aux décisions précédentes du Partenariat mondial pour l'éducation (GPE) en 2019 et du Parlement Européen en 2018, qui interdisent le financement des écoles privées commerciales à but lucratif.
Note à l’attention des rédacteurs
En 2019, plus de 170 organisations de la société civile de 64 pays ont appelé le Groupe de la Banque mondiale à mettre fin au soutien à l'enseignement privé à but lucratif.
En 2020, la SFI s'est engagée à arrêter les investissements dans les écoles à but lucratif de la maternelle à la 12e année, répondant ainsi aux préoccupations de la société civile et au leadership de la députée américaine Maxine Waters.
Comme l'explique la réponse de la direction de la SFI au nouveau rapport d'évaluation du GEI, « cette décision comprendra tous les nouveaux (i) investissements directs ou services de conseil liés à l'offre d'éducation dans les écoles de la maternelle à la 12e année payantes (à but lucratif et non lucratif) ; (ii) les partenariats publics-privés liés à la privatisation des écoles ou à l'offre d'éducation dans les écoles de la maternelle à la 12e année payantes ; (iii) les investissements indirects dans les écoles de la maternelle à la 12e année payantes par l'intermédiaire de clients de fonds d’investissements privés. La SFI ne prévoit pas, non plus, de reprendre ses investissements dans les mécanismes de partage des risques avec les banques locales pour soutenir leur financement des écoles privées de la maternelle à la 12e année. »
L'organe de responsabilisation de la SFI, le Compliance Advisor Ombudsman (CAO), a reçu une série de plaintes concernant l'investissement de la SFI dans la chaîne d'écoles commerciales Bridge International Academies (BIA). En avril 2018, EACHRights au Kenya au nom de parents, d'élèves et d'enseignants, a notamment déposé une plainte qui soulève des préoccupations valables concernant la santé, la sécurité et les conditions de travail de l'entreprise ainsi que la discrimination économique, le manque d'inclusion des parents et la transparence.
En octobre 2019, le rapport d'évaluation de la conformité du CAO a constaté « des préoccupations substantielles concernant les résultats environnementaux et sociaux de l'investissement de l'IFC dans Bridge ». Le rapport d'enquête final reste à venir. Trois autres cas, déposés depuis (02, 03, 04) - impliquant la santé et la sécurité des étudiants - doivent être résolus.
Organisations signataires du communiqué
ActionAid, Asociación Civil por la Igualdad y la Justicia (ACIJ ⎯ Argentine), Brazilian Campaign for the Right to Education, Centre d’Entrainement aux Méthodes d’Education Active de Côte d’Ivoire (CEMEA-CI ⎯ Côte d’Ivoire), Coalition Éducation (France), Coalition nationale de Madagascar pour EPT( CONAMEPT-Madagascar), Coalition for Transparency and Accountability in Education (COTAE ⎯ Libéria), Corporate Accountability and Public Participation Africa (CAPPA ⎯ Nigéria), East African Centre for Human Rights (EACHRights ⎯ Kenya), Education For All Sierra Leone Coalition (EFA-SL ⎯ Sierra Leone), Eurodad, Global Campaign for Education (GCE), Global Campaign for Education-US, Global Initiative for Economic, Social and Cultural Rights (GI-ESCR), Initiative for Social and Economic Rights (ISER ⎯ Ouganda), OMEP World Organization for Early Childhood Education, Organisation pour la Démocratie le Développement Economique et Social (ODDES ⎯ Côte d’Ivoire), Oxfam, Platform for the Defence of the Basque Public School, Right to Education Initiative , RTE Forum (Inde), Solidarité Laïque (France).