Financer l'éducation, c'est financer le développement durable.
La Campagne mondiale pour l’éducation (CME) propose ses recommandations pour la Conférence et le cadre d’action qui en découlera. Elle affirme que le développement humain, universel et de tous ne pourra être accompli sans le soutien à une éducation et un apprentissage tout au long de la vie de qualité qui méritent les financements adéquats.
Le Programme d'action d'Addis Abeba doit englober la totalité de l’Objectif de développement durable dédié à l’éducation, l’ODD 4. Or dans les récents projets de programme d’action, l'alphabétisation des adultes, l'éducation des adultes et l'apprentissage continu, en dépit d'être des composants de base de l'ODD éducation post-2015 – ne sont pas inclus dans la déclaration d'Addis !
N’a-t-on pas tiré les leçons de 15 ans d’Education Pour Tous ? Ces 15 dernières années, l'alphabétisation des adultes - sur tous les objectifs d'Education Pour Tous - a reçu le moins d'attention, et c’est celui qui a enregistré les progrès les plus lents. Aujourd’hui, pour ne pas commettre le même échec, il devrait concentrer une partie des financements à l’ODD 4.
Droit humain fondamental, il nous faut pourtant constamment réaffirmer la responsabilité première de l'État dans la prestation de l'éducation. L'augmentation de la privatisation et de la commercialisation de l'éducation ont été reconnus comme une atteinte à la réalisation du droit à l'éducation, comme en témoignent les deux derniers rapports du Rapporteur spécial de l'ONU sur le droit à l'éducation; les recommandations adoptées dans les évaluations nationales de plusieurs pays; et la résolution du Conseil de droits de l'homme des Nations unies adoptée en Juin dernier : une résolution majeure qui exhorte les Etats à réguler et contrôler les prestataires privés de l'éducation.
Lors de la Conférence mondiale de l’éducation d’Incheon, les Etats ont réaffirmé leur reconnaissance de l’éducation comme un bien public, nous attendons que les dirigeants à Addis Abeba fassent de même. Le nouvel agenda de financement du développement doit préserver l’éducation comme d’autres services essentiels contre la marchandisation, qui avance souvent masquée dernière les habits du « partenariat ». Les contributions du secteur privé à l’éducation et à d’autres services doivent être maximisées à travers des systèmes fiscaux efficaces. Les pays en développement perdent 160 milliards de US$ de recettes fiscales chaque année en raison des contournements fiscaux opérés par les entreprises multinationales – soit bien plus que l’aide au développement qu’ils perçoivent. Le besoin financier global du secteur de l’éducation correspond aux profits nets des cinq plus grandes entreprises du monde. Les fonds publics ne doivent pas être utilisés pour subventionner l’éducation à but lucratif, d’autant que nous savons que la croissance des services éducatifs privés conduit à créer ou accentuer les inégalités économiques et sociales.
Le Programme d’Action d’Addis doit traduire un engagement pour une augmentation significative des financements dédiés à l’éducation, y compris pour le recrutement, le développement, la formation et la rétention des personnels éducatifs dans tous les pays. La Déclaration d’Incheon a établi que les gouvernements devraient allouer au moins 15-20% de leur budget national à l’éducation, et/ou un montant équivalent à 4-6% de leur PIB. La CME est convaincue que la limite supérieure de ces fourchettes constituera un minimum pour atteindre les ODD ; que de nombreux pays devront dépenser davantage ; et qu’aucun pays de pourra consacrer moins de fonds. Les donateurs devraient allouer au moins 10% de leur APD à l’éducation de base, avec une attention particulière portée à l’éducation dans les situations d’urgence. Selon le Rapport Mondial de Suivi (RMS) de l’Education pour Tous 2015, 139 milliards de US$ sont nécessaires pour financer l’éducation primaire et le premier cycle du secondaire (22 milliards de US$ provenant de l’aide internationale et d’autres sources externes et 117 milliards de US$ issus de ressources domestiques). Le fossé est considérable, mais il peut être comblé : il correspond à la richesse nette des deux individus les plus riches de la planète, ou encore à moins d’1 dollar sur les 20 que le monde a perdu en évasion fiscale pour l’année 2012.