Tribune publiée dans La Croix
14 organisations de défense du droit à l’éducation, membres de la Coalition Éducation, questionnent le manque de mobilisation de la France pour l’éducation dans le monde et demandent aux candidats à l’élection présidentielle de s’engager à allouer 15 % de l’aide française au développement à l’éducation d’ici à 2020.
En 2015, 189 chefs d’Etats se sont engagés à ce que – d’ici à 2030 - tous les enfants puissent bénéficier d’une éducation primaire et secondaire gratuite. Or, au rythme actuel des investissements, la totalité des enfants concernés ne seront effectivement scolarisés qu’en 2042. Pour l'accès au premier cycle de l’enseignement secondaire il faudra attendre 2059 et 2084 pour le deuxième cycle !
Pour cela, les dépenses consacrées à l’éducation doivent être significativement augmentées. Aujourd’hui, seule une aide six fois supérieure à celle allouée pourra combler le déficit du financement de l’éducation dans le monde.
En 2015, l’aide allouée par la France à l’éducation de base, et notamment des populations les plus démunies, a chuté à un niveau extrêmement bas. En baissant drastiquement de 9,3% par rapport à 2014, elle ne représente plus que 2,3% du budget total de l’aide française au développement (OCDE). De quoi questionner sérieusement le rôle que la France attribue à l’éducation dans le développement durable mondial.
Quand on sait qu’améliorer la qualité de l’éducation, lutter contre le décrochage scolaire, permettre la formation professionnelle sont les moyens les plus efficaces pour lutter contre l’extrême pauvreté, faire reculer les maladies, la famine et la malnutrition, et aller vers davantage de paix et de tolérance, tous ces chiffres vertigineux par leur manque d’ambition, sont presque incroyables. De l’éducation dépendent la santé, l’égalité entre les hommes et les femmes, la sécurité alimentaire, la croissance économique, la préservation de l’environnement et la lutte contre les changements climatiques et bien plus encore. Dans un monde en proie aux conflits, quelle meilleure réponse contre l’obscurantisme que l’accès à une éducation de qualité pour toutes et tous ?
Selon l’UNESCO, il manque chaque année 36 milliards d'euros pour parvenir à une éducation de base universelle de qualité, un déficit qui ne représente qu'une goutte d'eau à l'échelle des financements internationaux.
L’UNESCO recommande que les pays riches consacrent 10% du total de leur aide publique au développement à l’éducation de base. La France, avec ses 2,3%, à peine, se place derrière bon nombre de ses voisins européens. Sa contribution aux fonds multilatéraux pour l’éducation ? Dérisoire. Entre 2003 et 2015, la France n’a financé le Partenariat mondial pour l’éducation qu’à hauteur de 2,15%, contre 21,76% pour le Royaume-Uni et 14% pour les Pays-Bas. Le bilan n’est pas plus encourageant du côté du fonds l’Education ne peut attendre lancé en 2016 pour soutenir l’éducation dans les situations de crise. La France ne lui a alloué aucun montant en 2016 et vient d’annoncer 2 millions d’euros seulement pour 2017. Une somme minime en comparaison des engagements du Royaume-Uni et de la Norvège et au vu des besoins du fonds : 3,56 milliards d’euros sont nécessaires pour les cinq prochaines années, - au plus vite - pour protéger plus de 75 millions d’enfants et de jeunes privés d’éducation qui vivent dans 35 pays en crise et en conflits.
Nous ne nous expliquons pas un tel désengagement de la France. Désintérêt ? Négligence ? Quels arbitrages peuvent aujourd’hui justifier que notre pays n’assume pas sa part de financements et de responsabilité ? En pleine campagne électorale, alors que l’éducation nationale figure dans tous les discours des présidentiables, nos interrogations et notre incompréhension face au manque de préoccupation français en matière d’éducation mondiale persistent et grandissent.
A quelques semaines du premier tour de l’élection présidentielle, nous, organisations de défense du droit à l’éducation et membres de la Coalition Éducation, appelons à faire de l’éducation une priorité pour la France, et donc un axe majeur de sa politique de développement. Nous demandons à la France d'allouer 15% de son APD à l'éducation d'ici à 2020, en consacrant les fonds additionnels à l'éducation de base. De plus, 30% de l'aide à l'éducation devraient servir à soutenir davantage le Partenariat mondial pour l'éducation et le fonds l'Education ne peut attendre, afin de répondre aux besoins urgents des populations dans les pays les plus pauvres et les pays en crise. Investir dans l’éducation, c’est la clé pour construire un monde de paix et lutter contre les inégalités durables ! Certes, la France ne peut pas tout toute seule, mais elle peut beaucoup plus.